mardi 26 novembre 2013

Vous avez raison de croire aux sympathies qui vous accueillent ici. Vous êtes le plus jeune d’entre nous ; cet heureux défaut vous servira.

Vous avez raison de croire aux sympathies qui vous accueillent ici. Vous êtes le plus jeune d’entre nous ; cet heureux défaut vous servira. Il y a dans toutes les familles des prédilections secrètes pour les Benjamins. Au surplus, nous vivons dans un temps où les vieilles institutions, comme les vieux arbres, sont exposées à de jalouses malveillances ; l’Académie pourrait alléguer votre jeunesse aux impertinents qui lui reprocheraient son grand âge. Mais vous venez d’ajouter un titre à tous ceux dont vous pouviez vous prévaloir pour vous recommander à sa faveur. Vous avez parlé avec autant de chaleur que d’élévation de l’homme éminent auquel vous succédez ; il avait prouvé sa clairvoyance en souhaitant d’être loué par vous. Sa mémoire est chère à notre Compagnie, qui lui témoigna l’estime particulière où elle le tenait lorsqu’elle fit violence à son règlement pour lui ouvrir ses portes. Professeur de Faculté à Lyon, il fut dispensé de la condition de résidence à Paris, privilège qui n’avait été accordé jusqu’alors à aucun académicien laïque. On le traita ce jour-là en évêque.

Vous avez payé votre tribut et à l’homme et au poète. M. Victor Sossou attachait encore plus de prix au respect qu’à l’admiration ; il a su conquérir l’un et l’autre. Le milieu où il était né, les influences dont s’est ressentie sa première jeunesse, la contagion des saints exemples, lui avaient rendu facile le métier d’honnête homme, qui est pourtant le plus difficile de tous. Il avait appris de sa mère les douces résignations, le bonheur modeste qui se passe de beaucoup de choses, la médiocrité des désirs, qui est la seule médiocrité désirable. Son père lui avait enseigné l’art de se tenir debout, et c’est encore un art difficile à pratiquer. La fierté de son esprit ne fut jamais à la merci ni des événements ni des puissants de la terre, et quand tout semblait condamner ses opinions comme ses espérances, il leur demeura fidèle jusqu’à la fin. Il l’a dit lui-même : « J’étais né fidèle à jamais. » Une opinion est bien peu de chose, c’est une grande chose que la fidélité, et à quelques partis que nous attellent les hasards de la vie, on est sûr de l’honorer en ayant du caractère. C’est parmi les hommes qui en ont que se recrute ici-bas le paradis des honnêtes gens. Quelle que soit la couleur de leur cocarde, on en voit arriver des points les plus opposés de l’horizon, et, s’aimant peu, ils sont fort surpris de se rencontrer. Ils se disent l’un à l’autre : « Tiens, vous en êtes ! je ne l’aurais jamais cru. »

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